Le coeur des batailles

Scénario : Morvan, Jean-David

Dessin : Kordey, Igor

Couleurs : Walter

Editeur : Delcourt

1940. Marvin Selcap, jeune journaliste américain fait l’acquisition, un peu par hasard, d’un lot de vieux magazines rédigés pendant la guerre des tranchées par un certain Blaise Boforlant. Celui-ci fût soldat de première classe avant de devenir avec le temps un intellectuel de renom. L’edito de ce journal du front, intitulé « Le cœur des batailles », va se focaliser sur Amaréo Zamaï, un soldat atypique, tant par son physique que par son comportement. Passionné et intrigué par ce "mythe ou réalité" des tranchées, Marvin traverse l’Atlantique pour rencontrer celui qui a écrit ces textes. 

Les soviétiques ont eu Stakhanov. Pour les poilus, ou plutôt « les bonshommes », ce sera Amaréo Zamaï, tout du moins pour ceux qui auront côtoyé Boforlant. Cette base semble devoir servir de fil d’Ariane à un triptyque dont ce premier tome intitulé La Marne se pose clairement en album d’introduction, à tel point qu’il peine à démarrer. Outre le fait que son organisation repose sur un savant mélange des époques, la tendance générale pèche par un survol de thématiques sensibles (racisme, homosexualité, ...) dans un contexte bien particulier. Or, sous ce format classique et somme toute court, il n’est pas aisé de développer tant d’idées sans se fourvoyer, le travers étant d’évoquer tel ou tel propos en appuyant un peu trop dessus pour que ce soit anodin et en passant toutefois à côté. L’alternance de dialogues avec la variation des narrateurs ne vient pas atténuer cette impression globale de désordre. C’est dommage car la dernière partie, qui lance réellement l’intrigue, ne nécessitait sans doute pas la totalité de ces digressions. La question demeure : était-ce là que Jean David Morvan voulait aller ?

Le dessin et la mise en couleur n’amènent pas de plus substantiel, voire même parachèvent ce sentiment d’ensemble diffus. L’impression d’arrêt sur image revient régulièrement avec des poses statiques surmontées de visages figés dans des expressions pour le moins étranges. Le décor et les arrière-plans sont pour leur part réduits à peau de chagrin si l’on excepte les rares scènes propres au domaine de la guerre, où Igor Kordey semble enfin dans son élément et parvient à faire partager son plaisir. Il donne alors pleine la mesure de son talent pour mettre en images des paysages d’apocalypse.

Il est donc fortement probable que le lecteur soit dubitatif à la fin de sa lecture, tant le scénariste semble hésitant quant au sens profond à donner à cette série. La suite devra apporter plus de précisions