Le jour où Michel Boujut, déserteur de la guerre d'Algérie, est mort
Par frederic baylot le mardi, mai 31 2011, 13:34 - Résistance - Lien permanent
Via Citizen Nantes
Michel Boujut, producteur, critique et écrivain. 13 mai 1940 - 29 mai 2011
Mon Colonel,
Après avoir servi pendant dix mois en métropole et à la veille de mon départ pour l’Algérie, j‘ai pris la grave décision de déserter.
Bien que les motifs qui ont inspiré mon attitude aient été maintes fois exposés par les quelques Français qui ont de la patrie et de la liberté une conception autre que la vôtre, je dois brièvement les rappeler ici, pour dissiper tout malentendu.
Il me semble, en effet, aberrant de penser que l’on puisse résoudre les problèmes d’un pays arriéré, par la guerre et ses séquelles : tortures, camps de regroupement ou d’hébergement. Quelle que soit leur bonne volonté, les militaires ne pourront jamais remplacer les seuls représentants authentiques de la France, instituteurs, assistantes sociales, ingénieurs, docteurs.
Etant simple deuxième classe, il m’aurait été pénible de devoir être considéré avec peur et mépris par des hommes qui n’auraient vu de moi que l’uniforme, symbole de l’oppression qu’ils subissent.
Recevez, mon Colonel mes considérations distinguées.
Michel Boujut. Stuttgart 1961. Publié dans "Le Jour où Gary Cooper est mort" - Ed. Rivages. Janvier 2011
"Le Jour où Gary Cooper est mort"
Michel Boujut a grandi entre deux drames familiaux, insérés dans la tragédie collective des deux guerres mondiales. Celui de son grand-père Maurice, fauché à 26 ans en septembre 1914, et celui de son père Pierre, prisonnier dans un stalag pendant quatre ans et demi. A la troisième génération, Michel, jeune appelé qui doit partir pour l'Algérie, décide de rompre le cycle infernal du casse-pipe : il désertera.
La raison de son adieu aux armes, c'est "le refus, radical, d'une guerre sale faite salement".
Alors, au lieu de rejoindre son unité, le soldat Boujut Michel arrive à Paris, le 13 mai 1961, le jour où le monde apprend la mort de Gary Cooper. C'est un signe du destin : en attendant de quitter la France, il se cachera pendant quinze jours dans les salles obscures du Quartier latin. Ainsi naîtra une vocation dont il fera son métier.
Critique de cinéma, essayiste et romancier, Michel Boujut revient sur le moment clé qui a fait basculer son existence, son refus d'aller combattre en Algérie. Loin d'être une évocation nostalgique, ce livre plein d'élan nous fait partager des coups de coeur de cinéphile, des passions littéraires, et ouvre les portes d'une réflexion profonde sur la nécessité de l'insoumission face à l'indignité. Extrait de www.payot-rivages.net
>>Lire aussi : "Michel Boujut : Le jour où Gary Cooper est mort" (29/01/11) surwww.legrandsoir.info