VIA CYBERPRESSE

The Lost and Found : Gretchen Parlato frôle le sublime

En 2004, elle remportait la compétition Thelonious Monk, catégorie chant. Elle a depuis travaillé avec moult pointures, elle fait entres autres partie du Mosaic Project de Terri Lyne Carrington. Elle a déjà lancé trois albums, dont le récent The Lost and Found, étiquette obliqSound. Wow. Depuis la découverte d’Elizabeth Kontomanou il y a une dizaine d’années, je n’avais pas pris une telle claque.

Voilà à mon sens une des voix les plus suaves, un des phrasés les plus élégants, un des timbres les plus sensuels de la génération montante. Voilà une vraie chanteuse de jazz émergeant de cette inondation permanente de voix pop qu’on associe confusément au genre. Une des rares chanteuses de jazz ayant eu le culot d’adapter ses compétences aux nouvelles propositions soumises par la jeune génération. Sans renier le style musical dont elle manifeste une connaissance profonde, Gretchen Parlato s’applique à jazzifier soul, hip hop, folk, musique populaire brésilienne jazzifiée et plus encore. Accompagnent cette révélation le pianiste Taylor Eigsti, le bassiste Derrick Hodge et le batteur Kendrick Scott.

Il était temps ! Les chanteuses que les marques officiellement associées au jazz et les grands festivals inscrivent généralement dans la catégorie «chant jazz» sont victimes (comme nous) de fausse représentation. Ces Norah Jones et autres Melody Gardot se trempent le petit orteil dans le jazz (ce qui ne leur enlève rien, remarquez), pendant que d’autres font du vieux fait avec du jeune (Stacey Kent, quand tu nous tiens!) et que des jazzwomen d’expérience peinent à se tailler une place dans le marché de Diana Krall, reine du jazz pop et de la bossa nova Canada.

Qu’en est-il du jazz vocal de ce siècle ? D’aujourd’hui ? Gretchen Parlato arrive en tête de la nouvelle vague.

Coréalisé par Parlato avec nul autre que Robert Glasper, cet album mène enfin le chant jazz vers un ailleurs meilleur, sans jamais dériver dans l’abscons et l’anguleux. Sa consécration dans les grandes ligues pourrait avoir un impact comparable à Cassandra Wilson en 1993, alors appuyée par Craig Street pour l’album Blue Light til’Dawn.

(Alain Brunet)