Et cette progression n'est pas innocente puisque dans son livre (et c'est manifeste dans son enseignement en général, même s'il ne le dit pas toujours frontalement) Éric défend une vision mystique, non essentialiste et narrative du dharma.

Mystique : car c'est une expérience inexprimable du soi éprouvant soudainement le néant de son existence. Moment de sagesse folle où tout se défait en soi-même dans un sentiment paradoxal riche et joyeux de renoncement à maîtriser toutes les forces à l'oeuvre dans sa propre vie et qui simultanément nous entraîne dans une parfaite présence joyeuse à la vie. Au delà de la méditation ou de l'écoute des textes bouddhistes, on peut vivre ce type de moment lorsqu'on contemple, allongé dans l'herbe en montagne, la voûte céleste nocturne en été. On se sent tellement insignifiant et parallèlement en pleine communion avec cet espace, cette nature, on se sent petit et loin et en même temps si proche de ces étoiles.

Non essentialiste, Éric Rommeluère parle d'une anti-métaphysique, car l'adepte de la Grandeur, celui qui suit la voie du Bouddha avec magnanimité, reconnaît qu'il n'existe aucun fondement sur lequel se reposer. Il accepte sa fragilité, il accepte de n'être « rien » et de cette reconnaissance naît une expérience réelle de la vie où « rien » n'est exclu, tout est embrassé, toutes nos émotions, nos perceptions, nos sensations, nos pensées, perturbatrices ou agréables, car telles sont les matières premières de notre vie.

Enfin métaphorique car seule la vision narrative du monde permet une compréhension de celui-ci et de soi, alors que toute description complète de la réalité est impossible. D'un point de vue systémique on dirait que seule la métaphore nous permet d'agir par une compréhension analogique du système car il nous est impossible d'atte(i)ndre une compréhension totale d'une vie qui est trop complexe pour être englobée intellectuellement.


En fait nous attendons bien souvent de l'enseignement bouddhiste qu'il nous apporte une lumière sur le monde pour moins souffrir, alors qu'il nous demande d'éclairer nous-mêmes ce dernier, en oeuvrant au bénéfice des êtres vivants.


Il y a bien un « nouveau bouddhisme » qui semble sortir en occident, mais il ne peut être que le fruit de la réponse au monde tel qu'il est, par des bodhisattvas qui s'engagent d'une manière éveillée dans l'existence en fonction de leurs contextes de vie. Le Bouddha symbolise cet éveil à la certitude que nos croyances, nos représentations, nos désirs déforment le réel et nous enferment sur l'image de nous-mêmes, ce n'est donc pas un renoncement au monde qui nous est demandé, mais à nos peurs et à notre inconscience et au contraire un engagement dans le monde, tel sera d'ailleurs le sujet du prochain livre d'Éric Rommeluère

(cliquer sur la couverture pour accéder à la présentation "éditeur")