Et c’est sans doute à ce niveau que le monde associatif et les défenseurs de l’accessibilité universelle peuvent crier au scandale.

En effet, ce fameux article 19 (ex-14 bis), voté ce mardi 28 juin 2011, précise que des « mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité (…) lorsque le maître d’ouvrage apporte la preuve de l’impossibilité technique de les remplir pleinement du fait de l’implantation du bâtiment, de l’activité qui y est exercée ou de sa destination ». Les termes employés sont suffisamment généralistes et imprécis que pour permettre aux lobbiesinvestisseurs immobiliers et divers propriétaires de déposer une avalanche de rapports qui attesteront d’une impossibilité technique de mise en accessibilité.

Les sénateurs ayant soutenu cet article 19 ont donc littéralement démoli ce 28 juin le principe d’obligation d’accessibilité universelle en ouvrant en grand les portes aux divers prétextes techniques que ne manqueront pas d’établir les opérateurs opposés à l’alourdissement de leur facture pour mettre en accessibilité leur bâti neuf.

Il est maintenant tout à fait évident que les sénateurs et le gouvernement ont cédé à la pression des lobbies qui, depuis 2005, tentent de réduire la portée de la loi handicap et c’est un fait plus qu’inquiétant pour tout citoyen quel que soit son degré d’autonomie et de santé.

Le plus lamentable consiste également en ce que le personnel politique qui a légalisé la possibilité de ne pas donner accès aux personnes handicapées à certains bâtis neufs nous a donné en prime une grande leçon de morale au nom du réalisme financier et faisant passer indirectement les défenseurs de l’accessibilité universelle pour des idéalistes déconnectés de la réalité .

On a ainsi pu entendre Mr Paul Blanc se réjouir de cet amendement qui permettra d’après lui d’empêcher la démolition de logements sociaux ou des établissements déjà sortis de terre ( même s’il dit avoir voté la mort dans l’âme ).

Belle leçon d’hypocrisie politique car on est en droit de se demander pourquoi alors ne pas alors avoir fait voter une dérogation seulement pour certains bâtis déjà existant (qui poseraient réellement un problème technique incontournable) ?
Non la proposition vise bel et bien les bâtiments qui devront être bâtis dans le futur et non pas ceux qui existent actuellement.

Les responsables de cet énorme gâchis, de ce cadeau extraordinaire fait aux lobbies financiers, sont clairement identifiés. La majorité UMP et l’Union centriste ont voté pour ces dérogations ainsi que le RDSE (à majorité PRG). Le PS, CRC-SPG (communiste et parti de gauche) ont voté contre tout en soulignant des avancées sur les MDPH car elle « remet en cause le principe de l’accessibilité universel ».

La ministre des Solidarités Roselyne Bachelot a expliqué quant à elle qu’il ne s’agissait « à aucun moment, d’exonérer un promoteur de ses obligations » et qu’il « s’agit de mesures de substitution quand le promoteur sera en face de contraintes techniques insurmontables ». Jolie leçon de réalisme politique tout aussi hypocrite pour les raisons déjà évoquées précédemment.

Et maintenant que faire après ce sentiment d’énorme gâchis et de cette énorme gifle envoyé en plein visage du monde du handicap ?

La polémique ne va certainement pas s’arrêter ici mais ce n’est pas une polémique qui rétablira la liberté et l’autonomie des personnes handicapées.

La proposition de loi doit maintenant repasser en seconde lecture devant l’Assemblée nationale, et éventuellement en commission mixte paritaire, avant d’être définitivement adoptée.

La mobilisation contre le texte, menée par de nombreuses associations de personnes handicapées, va donc se poursuivre. Plus de 7000 personnes ont déjà signé la pétition lancée par l’APF et si vous ne l’avez pas encore fait c’est le moment pour vous de signer celle-ci pour lui donner encore plus d’impact.

Une autre possibilité (plus passive et à plus long terme) consiste à retirer notre intention de vote aux diverses personnalités qui ont permis cet énorme camouflet et ce grave recul en matière de mise en accessibilité des bâtiments publics, fixée à 2015.

Sachant qu’ils ont fait part de tellement d’hypocrisie et d’arguments fallacieux, il n’y a plus aucune raison de leur accorder une quelconque confiance. Un élément qui devra être pris en considération dans l’isoloir. La sanction politique est parfois le le dernier recours des citoyens qui n’ont pas été entendus.

L’espoir de voir cet amendement disparaitre est donc très mince et ténu. A ce titre on peut dire que faire passer ce type de proposition fin du mois de juin, un moment ou bon nombre de citoyens et de responsables sont déjà en vacances n’est pas très propice pour une mobilisation efficace.

Comme je le mentionnait dans mon billet d’humeur  » Les grands loups contre l’accessibilité « , les intérêts financiers et économiques ont donc pris le pas sur le concept de liberté, d’autonomie et de justice sociale.

Il n’en reste pas moins que chaque loi peut être à son tour amendée dans le futur, le combat n’est donc pas fini et l’erreur à ne pas commettre serait de se laisser aller à une démobilisation qui engendrerait une diminution de la résistance de la part du monde du handicap. Il est donc plus que nécessaire et impératif de soutenir lesactions des associations et des défenseurs des droits des personnes handicapées.

Il n’en reste pas moins que la proposition de loi,initiée par Mr Paul Blanc et qui enterre la conceptiond’accessibilité universelle restera gravée comme le moment ultime ou la liberté des personnes handicapées et leur autonomie ont été bafouées dans la plus grande et la plus totale hypocrisie politique.

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About Philippe Steinier

Président association Handimobility. Economiste - Licencié en sciences sociales